Allier randonnées et géocaches est un des intérêts de notre jeu, et une de mes activités préférées. Alors je souhaitais aujourd’hui mettre en lumière un bel exploit réalisé par un copain géocacheur, Messier42 : La traversée des Pyrénées par le GR10. Sa préparation, son voyage, ses émotions, vous saurez tout !
Bonjour Messier42, une petite présentation pour ceux qui ne te connaissent pas ?
Bonjour Christophe, pour faire simple je me prénomme Hervé et je suis ce que j’appelle un rando-géocacheur partageur, de tout juste 50 ans. J’ai découvert le GC en 2011 sur Orléans grâce à un collègue qui me savait accro à la randonnée et s’est dit que cela allait agrémenter mes sorties. Il n’a pas eu tort car même si les débuts se sont fait tranquillement je peux largement dire que je suis devenu en quelques mois accro à ce loisir.
Explique-nous alors ce que tu as réalisé cet été ?
J’ai réalisé un projet personnel qui me tenait à cœur depuis plusieurs mois maintenant, celui de traverser les Pyrénées en partant d’Hendaye à Banyuls sur Mer par le GR10 (alias le chemin de grande randonnée numéro dix). Pour donner un ordre d’idées, c’est donc une prévision de plus de 900 km et 60 000 mètres de dénivelés positifs et négatifs. Une aventure de plusieurs semaines au programme.
Pourquoi ce projet ?
Je suis un grand marcheur avec plus de mille kilomètres de marche par an depuis 2011 (quelques mois avant de démarrer le GC). La première des raisons est un véritable besoin de faire une grosse coupure « job » et la seconde est aussi un besoin de me confronter à moi-même. Que ce soit psychologiquement ou physiquement, un peu comme un retour aux sources. J’avais aussi une forte envie de tenter une véritable itinérance, mes sorties n’étaient faites que de randonnées à la journée.
Tu étais en solo ou parfois accompagné ?
J’ai décidé très rapidement de tenter cette traversée en solitaire. Le but étant de me retrouver avec moi-même et de toute manière il n’est pas si évident de trouver une personne qui soit tentée et disponible sur la durée et la distance. Cela ne m’a pas empêché de faire quelques portions de quelques heures ou quelques jours avec d’autres randonneurs (ou randonneuses d’ailleurs).
Comment avais-tu préparé ce fantastique projet ?
Ceux qui me connaissent, savent que je ne pars pas dans un projet au hasard. J’avais dans l’idée de faire cet “exercice” dans quelques années, mais la vie autour de moi m’a appris qu’il ne fallait pas reporter nos envies au risque de ne plus être en mesure de les réaliser. En avril 2017 j’ai eu un peu comme une irrésistible envie de rendre moins floue cette envie. C’est en naviguant sur le net que cela m’a sauté aux yeux. Parmi le choix des nombreux GR, celui-ci contenait tous les prérequis : de la montagne, un lieu inconnu, de la distance donc de l’itinérance sur un sentier balisé (repères blancs et rouges). J’ai donc décidé que j’avais là mon cadeau de cinquantenaire… Il me restait 14 mois pour me préparer (ainsi que tous mes proches…). Coté professionnel d’ailleurs le projet a été accepté et même suivi de près, même si les derniers feux verts se sont allumés en début d’année. Je n’ai pas attendu ces derniers accords pour passer crible au fil des mois les sites et pages des réseaux sociaux dédiés à ce GR. Je me suis mis à suivre aussi quelques personnes sur ces réseaux. Je suis monté en gamme côté matériel tout au long des derniers mois car pour un randonneur à la journée, passer à l’itinérance implique un sacré bond. L’étude du trajet, de la cartographie et des haltes “théoriques” fut aussi importante. J’ai d’ailleurs matérialisé cela sur de grandes fresques de cinq mètres. C’est d’ailleurs là, la première fois que je me suis fait peur en me disant que c’était un sacré challenge…
Et le géocaching dans tout ça ?
Bon autant le dire de suite, le géocaching n’était pas l’objectif principal mais impossible de vivre une telle aventure sans chercher quelques caches non ! Après quelques travaux sur l’itinéraire j’ai récupéré les fichiers GPX grâce au module “Itinéraires personnalisés” inclus dans les outils mis à disposition des membres premium. Un petit affinage pour retenir les GC les plus proches du sentier m’a donné au final une liste un peu plus de 530 caches sur l’itinéraire. J’utilise C-Géo avec une cartographie hors ligne pour conserver un maximum d’autonomie. Rapidement même si la densité des caches était élevée dans la première partie il était inconcevable pour moi de chercher toutes les boîtes. J’ai beau être accro, avec le poids de mon sac cela freine rapidement l’envie de s’écarter du sentier ou de s’arrêter, poser le sac, chercher et reprendre le sac puis repartir. Au bout de quelques jours les recherches se sont rapidement réduites pour ne tenter de déloger qu’une cache par jour. Après Iraty, les caches seront plus rares. Au final 72 caches seront délogées entre Hendaye et Banyuls-sur-Mer. Certaines seront réveillées, voir même délogées pour la seconde fois après de nombreux mois d’hibernation. Naturellement je me suis encombré de quelques objets voyageurs pour l’occasion (où comment augmenter inutilement le poids du sac pour les moldus…).
Alors quelques chiffres, je sais que tu aimes ça !
Oui j’aime bien les chiffres, je ne suis pas un ultra stats mais je trouve que cela permet de quantifier un peu les choses. Les 14 mois de préparation me donnaient 930 kilomètres de marche en 55 étapes (plus 6 journées de repos complet) pour 60 000 mètres de dénivelés, au final ce sera presque 1000 kilomètres, 989 pour être “précis”, et 62 000 mètres de dénivelés en 55 étapes. Côté photos je ne suis pas en reste car pour des raisons pratiques je n’ai utilisé que mon smartphone mais je suis revenu avec près de 2000 images. Mon sac pesait entre 16 et 18 kg, certainement trop mais être en autonomie totale demande aussi un minimum de matériel. Au final cela me fait une moyenne de 18km et 1100 mètres de dénivelés positifs et négatifs par jour…
Justement, que contenait ton sac pour un tel périple ?
Mon sac contenait de quoi être en autonomie totale. Mais une semaine ou deux mois la composition change peu.
Confort : une tente deux places (plus pratique pour garder le sac à l’abri), un sac de couchage -5° et un matelas de sol.
Habillement : une tenue de secours (la tenue que j’ai portée au départ aura fait toutes les étapes), une tenue pour les journées blanches (journées de repos) histoire d’être présentable durant les lessives, une paire de sandales, une petite polaire (au cas où), un poncho (bien suffisant pour moi).
Alimentaire : un réchaud ultra compact, et deux sachets, un pour l’alimentation du matin/midi (autonomie de 3 à 4 jours) et un autre pour ceux du soir (autonomie entre 7 et 8 jours). Pour l’eau cela sera variable mais je vais avoir en permanence presque 3 litres (en bouteilles) cela me permettait de voir et gérer le niveau.
Divers : une mini trousse de pharmacie, une trousse de toilette réduite au minimum (abandon du rasage…), deux petites serviettes microfibres, lunettes de soleil, une couverture de survie,
Électronique : mon smartphone naturellement (ainsi que l’ancien en secours), un GPS (l’Etrex 30 de mon regretté ami Klaptev) et tout ce qu’il faut pour recharger tout cela. Je n’ai pas emporté de panneaux solaires, je me suis appuyé sur les gîtes, refuges et commerces dès que possible. Une lampe frontale, mon petit nécessaire de GC (stylo, tampon et objets voyageurs).
Quels ont été les plus beaux moments de cette aventure ?
Voilà une question bien compliquée ! Il y a des lieux et des rencontres.
Pour les lieux sur une telle distance mais aussi avec une telle diversité de panoramas ce n’est pas simple de trier. Il y a de nombreux lieux marquants, j’adore les mers de nuages, il y en a eu en plusieurs endroits. Pour des lieux au panorama particulier si je devais garder certaines étapes, il y aurait l’étape onze et douze pour le tronçon entre Sainte Engrâce et Lescun notamment avec ce passage dans un environnement très minéral. Ma seizième étape avec ce départ après la nuit à plus de 2400m après le col de la Hourquette d’Arre qui va démarrer avec un beau lever de soleil et la descente vers Gourette. L’étape 21, incontournable pour moi astronome amateur, la montée au pic du Midi de Bigorre, une étape hors-série en dehors du GR10. Je vais ajouter l’étape 16 avec la traversée de la réserve naturelle du Néouvielle et le passage près des lacs des Bouillouses. Mais ce n’est qu’une petite partie de nombreux beaux moments…
Pour les rencontres aussi il est difficile de trier car j’ai eu une belle diversité et de belles discussions avec des gestionnaires de gite, des randonneurs à la journée, des randonneurs de la HRP (Haute Randonnée Pyrénéenne) et d’autres GR’Distes naturellement (croisés ou dans le même sens).
Et les moments les plus difficiles ?
Je vais en donner deux. Naturellement la fatigue aura parfois raison de moi, peu habitué au dénivelé car en Beauce ce n’est pas la panacée, le cumul de dénivelé positif va finalement me faire renoncer à passer dans la boucle du cirque de Gavarnie. J’ai donc pris la décision de poursuivre sur le GR10 Nord entre Cauterets et Luz Saint Sauveur pour prendre deux jours de repos consécutifs. Le second fut la traversée des Pyrénées Ariégeoises, sans nul doute la partie la plus exigeante entre le moral et le physique. C’est une partie très sauvage, peu de villages (parfois moins d’une cinquantaine d’habitants ce qui complique aussi les ravitaillements), peu de parties douces, il faut sans cesse monter ou descendre dans de fortes pentes.
Comment s’habituent le corps et l’esprit à un tel effort journalier ?
Hors la fatigue générale il y a deux paliers à franchir. Le premier se situe entre 3 et 5 jours, c’est le temps que le corps, le dos notamment accepte le poids du sac. Ensuite le second après une dizaine de jours pour moi, fut le temps que le corps accepte de remettre chaque jour les jambes en ordre de marche et d’engranger les kilomètres. Par la suite il faut parsemer quelques journées blanches (repos physiologique complet) pour permettre au corps de se ressourcer. A un moment on se fait surprendre par les capacités de son corps. Sur la fin du périple j’ai parfois enchaîné des étapes de plus de 17km sans pour autant être plus fatigué que d’ordinaire. C’est véritablement bluffant.
Quelques séquelles ?
Les genoux ! Les descentes seront la partie infernale de cette aventure. Je me souviens de portions qui seront faites en marche arrière ! Cela peut surprendre mais faire même cinquante mètres était salvateur. Naturellement pas de pierres et pas trop de virages sinon c’est la chute assurée !!! Et pour ceux qui se posent la question, je n’ai pas eu de soucis côté pieds, même avec un changement de chaussures neuves à Luz.
Que conseillerais-tu à quelqu’un qui voudrait tenter l’aventure ?
Oser ! Se préparer et se lancer… Le matériel est important, il doit être éprouvé, notamment le sac à dos. C’est un élément extrêmement important. Il ne faut pas hésiter à investir un peu car c’est un peu notre maison ! Il contient tout notre barda et on le porte de nombreuses heures par jour, votre dos vous remerciera. Il ne faut pas négliger le physique ! Le GR10 selon moi reste exigeant surtout pour la totalité du GR.
C’est quoi l’esprit GR’Diste ?
Le terme est issu du nom de l’association « Les amis gr’distes », qui au travers de son site gr10.fr offre une véritable mine d’informations pour qui veut préparer cette traversée complète ou partielle. Il est vrai que c’est un véritable élément de langage lorsque l’on se croise sur le GR. Il catégorise tout de suite le randonneur dans son action présente ou passée. Pour moi c’est faire partie d’une communauté qui revendique avec, c’est vrai, une certaine fierté la traversée de ces belles Pyrénées. C’est un peu comme une identité, quelque chose qui est en toi et qui te marque. Tu associes tout de suite les éléments de cette aventure, efforts, joies, peines, rencontres et panoramas…
Quelques semaines après la fin de ton périple, comment te sens-tu ?
Bien, merci Tof (rires)…
Physiquement, le corps commence tout juste à se remettre du périple, il faut dire que j’ai perdu de nombreux kilos dans l’aventure. Quelques jours après l’arrêt brutal de l’effort, c’est comme si le cerveau se disait « bon maintenant c’est enfin la pause ». Du coup il se relâche totalement, plus de jus, pas forcément une énorme fatigue, mais juste qu’il ne donne plus l’énergie sur la distance. Je me souviens du dernier kilomètre sur une rando-GC qui en comprenait onze une dizaine de jours après mon retour, il était temps d’arriver à la voiture, pourtant c’était sans dénivelé.
Intellectuellement, je suis toujours dans l’euphorie de cette aventure. J’aime le partage, alors je ne suis pas avare des discussions autour de cette traversée. Je tiens d’ailleurs à te remercier pour cette “tribune”.
Qu’est-ce qu’il te reste en tête aujourd’hui ?
J’ai encore des images très fortes dans la tête, je suis donc encore parfois dans les Pyrénées… Le retour à la vie “d’antan” est brutal après deux mois dans la montagne, il faut se réadapter mais comme je le dis parfois, ça vous marque. Il n’y a pas eu une énorme cassure avec ma façon de voir les choses, mais c’est certain, certaines positions se sont assouplies et d’autres confortées. On se rapproche un peu plus de la simplicité et des choses vraies qui te semblent indispensables à la vie, à ta vie…
Une conclusion ?
J’ai découvert il y a peu cette phrase d’Henry Bergson qui je pense résume assez bien l’esprit de cette aventure : “l’unique moyen de savoir jusqu’où l’on peut aller, c’est de se mettre en route et de marcher”. C’est ce que j’ai fait avec au final beaucoup de plaisir.
Un grand merci à Messier42 pour ce partage ! Pour celles et ceux qui veulent en apprendre un peu plus sur son aventure sur le GR10, rendez vous sur www.id2rando.blogspot.com.
Plus ou moins dans le même coin, je peux vous proposer quelques randonnées dans le Pays Basque ou dans le parc naturel des Pyrénées Catalanes 🙂
A vos chaussures et à bientôt !
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Absolument passionnant ! Ça donne vraiment envie de se lancer sur ce genre de défi fou ! Merci pour le partage de cette belle aventure !
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Merci Fabien et encore bravo à Hervé !
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Merci, detourgeocaching.
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